Chimie organique :Synthèse et utilisation des ynamides

dans les réactions de cyclisations radicalaires

 

 

 

I)- Rappels bibliographiques

                        1)- Introduction

 

            Les triples liaisons font partie des fonctions les plus importantes en chimie organique du fait de leur grand potentiel synthétique.

            Les ynamines sont des alcynes directement substitués par un atome d’azote. De par leur nature électronique, ceux-ci peuvent induire une sélectivité lors de différents processus chimiques. Sachant que parmi les produits naturels ou les médicaments il existe de nombreuses molécules azotées (Camptothécine, Mappicine), les ynamines apparaissent comme un motif synthétique extrêmement intéressant.


            Cependant, la forte réactivité des ynamines ainsi que la difficulté à les préparer et à les manipuler est la cause du peu d'intérêt qui leur a été porté ces quinze dernières années, malgré des  études dans les années 1970[1].

            Les récentes découvertes d’ynamines protégés par des groupements électroattracteurs nous ont permis de choisir une voie de synthèse d’ynamides, parmi différentes méthodes que nous décrirons, et de les utiliser dans des réactions de cascades radicalaires qui sont étudiées au laboratoire.

 

                        2)- Méthodes de synthèse des ynamides

                                   a- Elimination d'haloènamides

 

            Les méthodes classiques de préparation d'ynamides sont bien décrites dans la thèse de Frédéric Marion[2]. Nous exposerons donc des méthodes de synthèse plus récentes qui permettent un accès aux ynamides.

 

 

            En 2001, Hsung[3] a décrit à partir des bromooléfines 2, une réaction d’élimination permettant d’accéder aux ynamides possédant un groupe électroattracteur de type oxazolidinone e aussi à des ynamides chiraux. Un mélange Z/E de β-bromoènamide 2 et 3 est obtenu par bromuration en β de l’azote avec de bons rendements et l’ynamide 4, par action de tert-butoxyde de potassium sur le mélange où seul le bromoènamide de configuration Z subit l’élimination (Figure 1).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Figure 1

 

                                   b- Isomérisation propargylique

 

            Une précédente méthode de synthèse avait déjà été publiée en 1999[4], par le même groupe, en passant par un intermédiaire allènamide 6 avec un rendement global de 80% (Figure 2).

 

 

 

Figure 2

 

            Cette réaction est extensible à d'autres types d'ynamides[5] : les ène-ynamides et les diène-ynamides. Cependant, parmi tous les substrats testés par Hsung seuls  ceux de type 5, conduisent à un ynamide après formation de l’allènamide.

 

                                   c- Les sels d'iodonium

 

            En 1998, Witulski[6] a publié l'utilisation de sels d'iodonium pour la synthèse d'ynamides. Les sels d'iodoniums sont des triples liaisons électrophiles. Ils réagissent mal avec les nucléophiles durs, mais peuvent être substitués par certains nucléophiles mous

.

            L'anion de l'amide 8, généré par déprotonation avec le n-BuLi ou le KHMDS dans le toluène, s'additionne selon un processus de type Michael sur le sel d'iodonium 9 pour donner l'anion vinylique 10. Celui-ci élimine du triflate de lithium, ou de potassium, et du iodobenzène pour conduire au carbène 11 qui se réarrange, par migration du groupement R, afin de donner l'ynamide 12 (Figure 3).

            Cette réaction fonctionne lorsque le groupement R est un atome d’hydrogène ou de silicium[7], avec des rendements meilleurs dans le cas de l'hydrogène, et peut être appliquée à des groupes attracteurs tels les sulfonamides, les amides insaturés et les trifluoroacétamides.

 

 

 

 

 

 

 

 


Figure 3

 

                                   d- N-alcynylations catalysées par le cuivre

 

            Des exemples plus récents de N-alcynylation catalysées par le cuivre ont été décrites par les groupes de  Hsung et Danheiser.

 

            En 2003, Hsung[8] et ses collaborateurs ont mis au point une méthode de couplage entre un amide 13 et un bromoalcyne catalysé par des sels de cuivre (I) (Figure 4).

            Parmi tous les amides testés par Hsung, seules les oxazolidinones (X=O) ont conduit à des rendements corrects, mais cette réaction a permis tout de même d'obtenir des ynamides chiraux 14 différemment substitués sur la triple liaison.

 

 

 

 

 

 

 


Figure 4

 


En 2004, Hsung[9] a publié une autre méthode d'obtention des ynamides catalysée par le cuivre (I) ou le cuivre (II). Cette méthode de synthèse a pour avantage d'être plus respectueuse du point de vue environnemental par l'utilisation de CuSO4 à la place de CuCN ou CuI. Elle a également permis de diminuer la température de la réaction (on passe de 110°C à 60-95°C) et de coupler des sulfonamides 17 et des amines hétéro aromatiques 18, en plus des lactames et des uréthanes (Figure 5).

 

Figure 5

 



            Peu de temps après la première publication de Hsung en 2003, Danheiser[10] a également publié des travaux sur le couplage d’ènamides avec un bromure d’alkynyle catalysé par le cuivre. Cette méthode est plus efficace et tolère un plus grand nombre de fonctions sur l’amide et l’alcyne. L’ynamide 20 est formé au travers d’un mécanisme d’addition oxydante du cuivre pour donner un intermédiaire du cuivre (III), puis d’une élimination réductrice du métal (Figure 6).

 

Figure 6

 

            Les précurseurs utilisés par Hsung ou Danheiser sont principalement des tosylamides ou des carbamates, ainsi qu'un exemple de lactame. Les amides utilisés au laboratoire n’ont pas réagi sur les bromures d’alkynyles dans les conditions décrites précédemment (figures 5 et 6).

 

                        3)- Utilisation des ynamides dans les réactions de cascades radicalaires

 

            Cette réactivité des ynamides dans des réactions de cascades radicalaires est le seul exemple connu dans la littérature (Figure 7).

 

 

 

 

 


                                                                                            Figure 7

 

            Les réactions de cyclisation sont appliquées à des ynamides de type iodobenzyle ou bromobenzyle avec de bons rendements. Dans le cas des bromobenzyles, il existe une compétition entre l'addition du radical tributylétain et l'abstraction de l'atome de brome qui oblige à utiliser des conditions d'addition lente de l'hydrure..

           

            Le mécanisme de cette réaction de cyclisation radicalaire est constitué de deux étapes. La première est la cyclisation du radical aryle 24 en 5-exo-dig sur la triple liaison de l'ynamide. La deuxième cyclisation en 6-endo-trig du radical vinylique 25 conduit après réduction au composé tétracyclique 27 voulu (Figure 8).

26

 

27

 
 

 


25

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Figure 8

 

 

 



[1] Ficini, J. Tetrahedron 1976, 32, 1449-1486

[2] Marion, F. Thèse de chimie organique, Ecole Doctorale de Chimie Moléculaire, UPMC 2004

[3] Wie, L.-L.; Mulder, J.A.; Xiong, H.; Zificsak, C.A.; Douglas, C.J.; Hsung, R.P. Tetrahedron 2001, 57, 459-466

[4] Hsung, R.P.; Zificsak, C.A.; Wie, L.L.; Douglas, C.J.; Mulder, J.A.; Xiong, H. Org. Lett. 2002, 1, 1237-1240

[5] Huang, J.; Xiong, H.; Hsung, R.P.; Rameshkumar, C.; Mulder, J.A.; Grebe, T.P. Org. Lett. 2002, 4, 2417-2420

[6] Witulski, B.; Stengel, T.  Angew. Chem. Int. Ed. 1998, 37, 489-492

[7] Witulski, B.; βmann, M. Synlett 2000, 1793-1797

[8] Frederick, M.O; Mulder, J.A.; Tracey, M.R.; Hsung, R.P. J. Am. Chem. Soc. 2003, 125, 2368-2369

[9] Zhang, Y.; Hsung, R.P. Org. Lett. 2004, 6, 1151-1154

[10] Dunetz, J.R.; Danheiser, R.L. Org. Lett. 2003, 5, 4011-4014